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L'actualité brésilienne en 1996

Le président Fernando Henrique Cardoso aura passé une bonne année: la croissance est certes ralentie, mais la surchauffe a été évitée, comme en témoigne une inflation toujours contenue. Fort de ces acquis, le chef de l'État a poursuivi son marathon constitutionnel avec, cette année, une réforme du régime des retraites publiques et privées. Et le désengagement de l'État dans divers secteurs clés devrait offrir au Brésil le leadership au sein du Mercosur.

Le président Fernando Henrique Cardoso, installé au palais du Planalto depuis le 1er janvier 1995, s'est-il donné pour objectif de collectionner le plus grand nombre de révisions constitutionnelles? Eu égard à son activité en la matière, on pourrait effectivement le penser. Le mérite en est d'ailleurs d'autant plus grand que sa formation de contre gauche, le Parti social-démocrate brésilien, demeure minoritaire à la Chambre des députés et au Sénat. Au prix de promesses diverses et de marchandages de dernière minute, le chef de l'État a réussi, en peu de temps, à entamer le vieil édifice protectionniste et corporatiste, héritage du président Getulio Vargas et que les militaires au pouvoir de 1964 à 1985 avaient encore consolidé. En 1995, Fernando Henrique Cardoso avait notamment remporté une grande victoire en mettant fin au monopole de l'entreprise d'État Petrobras, créée sous la présidence de G. Vargas, en 1953. En dépit de la grève, très dure, qu'avait soulevée le projet présidentiel, le Sénat s'était résolu, au terme d'un long cheminement législatif et après s'être assuré que la population ne suivait pas les grévistes, à voter, le 8 novembre, l'abandon du monopole. Certes la privatisation de Petrobras n'était pas à l'ordre du jour en 1996, mais la compagnie devait d'ores et déjà affronter, pour la première fois de son existence, la concurrence.

Une nouvelle révision constitutionnelle Fort des succès remportés en 1995 sur le front des révisions constitutionnelles destinées à mettre fin au monopole de l'État dans plusieurs secteurs clés de l'activité économique, le président Cardoso a mis en chantier ce qui restera la grande affaire de l'année 1996: la réforme du régime des retraites publiques et privées, soumise à une nouvelle révision de la Constitution. Toutefois, la très confortable majorité obtenue le 21 mars – 351 voix contre 139, soit nettement plus que les trois cinquièmes requis en la matière – ne doit pas masquer que cette victoire a été acquise à l'arraché. D'abord elle a été coûteuse, à la fois pour les deniers publics et pour l'image du président. En effet, tous les moyens ont paru bons pour faire pencher dans le bon sens la cinquantaine de députés appartenant à la coalition gouvernementale qui avaient rejeté la proposition lors d'un précédent vote, le 6 mars. Ainsi, la veille du scrutin, les parlementaires récalcitrants ont été invités par téléphone à faire connaître leurs désirs. Entière satisfaction leur a été donnée, qu'il s'agisse ici de la construction d'une route, du creusement d'un canal, là de meilleures conditions d'emprunt. Nul doute que le plus fortuné des «rebelles» aura été le maire de São Paulo: la dette de la ville – quelque 16,5 milliards de francs – a été prise en charge par le gouvernement fédéral. D'ailleurs la Banque centrale a annoncé cette décision à peu près au moment où les députés du Parti progressiste brésilien (PPB), la formation du maire pauliste, votaient en faveur du projet. On peut également penser que le coût des promesses faites par le président est plus élevé que les chiffres qui circulaient dans les allées du pouvoir dans la mesure où nombre de transactions demeureront inconnues. Le chef de l'État s'est aussi engagé à offrir un poste ministériel au PPB. Ensuite, la réforme du régime des retraites est sortie de cet intense lobbying quelque peu édulcorée par rapport au plan initial du chef de l'État. Certes, l'architecture centrale reste intacte puisque les pensions seront dorénavant calculées non plus sur le nombre d'années de travail, mais sur la période pendant laquelle les cotisations ont été effectivement versées. En revanche l'âge du départ à la retraite pour les fonctionnaires reste fixé à 50 ans et n'est pas relevé à 60 ans comme le prévoyait le projet initial. De plus les fonctionnaires conservent un certain nombre de privilèges, notamment la possibilité de cumuler plusieurs pensions. Enfin, les parlementaires ont toujours droit à une pension complète après seulement huit années passées au Congrès.

D'autre part, le chef de l'État a pu se féliciter de la décision du Sénat d'annuler la création d'une commission d'enquête sur le système bancaire, véritable machine de guerre contre la présidence: les banques publiques de différents États ont multiplié les créances douteuses, plusieurs d'entre elles étant sous perfusion permanente de la Banque centrale.

Une croissance ralentie, mais une inflation maîtrisée Nul doute que les victoires à répétition du président sur le front constitutionnel tiennent en grande partie à sa popularité, dont le Congrès a pris acte à plusieurs reprises, auprès d'une large part de la population. Sinon comment expliquer que la réforme du régime des retraites soit venue compléter la modification du paysage socio-politique, comme en témoignent l'abolition de la distinction entre entreprise brésilienne et entreprise à capital étranger ayant son siège au Brésil ou encore la fin du cabotage en faveur exclusivement des bateaux battant pavillon brésilien. Pourtant, en ce qui concerne les privatisations, le rythme présidentiel n'est pas toujours du goût du Parti du front libéral, principal allié de droite du chef de l'État, qui le juge assez lent. Quoique l'industrie pétrochimique de l'État de Bahia soit passée au secteur privé et que la vente d'une première partie du réseau ferroviaire était acquise au début de l'année, les députés du parti libéral regrettaient que la privatisation des diverses compagnies publiques filiales de Telebras (télécommunications) ait été repoussée à 1997.

Fernando Henrique Cardoso doit aussi sa popularité à son passage à la tête du ministère des Finances sous la présidence d'Itamar Franco, de mai 1993 à mars 1996. Personne au Brésil n'a en effet oublié qu'il fut l'architecte du «plan real» qui a littéralement terrassé l'hyperinflation. Bien que ses adversaires d'alors lui aient prédit un succès sans lendemain, les Brésiliens vérifient chaque jour que la guerre contre la hausse des prix a été gagnée: à la fin de l'année l'inflation devait s'établir autour de 25 %, soit à des années-lumière de ce qu'ils connaissaient il y a peu de temps – pour mémoire l'inflation était encore de quelque 5.000 % en rythme annuel en juin 1994.

Bien que la forte progression de la demande intérieure se soit traduite par un début de surchauffe, le gouvernement est parvenu à ralentir la croissance – sans toutefois la casser – en imposant une contraction du crédit disponible (les réserves obligatoires des banques et les taux d'intérêt ont été relevés). À ces mesures de restriction du crédit, les autorités ont ajouté une augmentation des droits de douane sur une centaine de produits importés, dont les voitures, les appareils ménagers, les appareils de radio, les téléviseurs, les chaînes haute fidélité et les magnétoscopes. Toutes ces mesures ont permis au Brésil de consolider en 1996 les excédents commerciaux mensuels, un mouvement amorcé en juillet de l'année précédente.

Les succès économiques portés au crédit du président Cardoso confèrent au Brésil un rôle de premier plan au sein du Mercosur, le Marché commun du cône Sud qui réunit, à ses côtés, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay. Ainsi, le président uruguayen, Julio Maria Sanguinetti, a effectué son premier voyage officiel à Brasilia après sa prise de fonction en mars 1995. Ami personnel du président brésilien, dont il admire sincèrement la politique monétaire, Julio Maria Sanguinetti a voulu signifier par ce choix ses préférences. Il reste que les partenaires du Brésil ne font pas mystère de regretter que ce dernier fasse passer parfois ses intérêts nationaux avant ses obligations régionales. Dans la perspective de l'établissement de la zone de libre-échange entre les États membres du Mercosur prévue pour 2005, le Brésil est de toute évidence particulièrement bien placé pour en tirer le meilleur profit tout en absorbant les contraintes sans grands dommages.

© Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2002

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