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L'actualité brésilienne en 1998

Année noire pour le Brésil, qui a dû s'incliner en finale de la Coupe du monde de football contre la France, un pays «sans passé dans le football», selon les termes d'un supporter anéanti. Couleur du deuil aussi pour l'Amazonie, victime d'un véritable crime écologique et où la famine a touché quelque 20.000 Indiens Yanomamis. Avenir incertain, enfin, pour une économie qui, déjà bien peu affermie, a dû subir de plein fouet l'onde de choc des crises monétaires asiatique puis russe. Quoi qu'il en soit, Fernando Henrique Cardoso a été réélu dès le premier tour de l'élection présidentielle du 4 octobre.

Feux de forêt et famine en Amazonie Après trois mois de sécheresse, les fortes pluies qui sont tombées au cours du mois d'avril ont permis de venir à bout de la plupart des foyers qui s'étaient déclarés dans la forêt amazonienne. À l'heure des comptes, le bilan était dramatique: plus de 30.000 km2, soit l'équivalent de la superficie de la Belgique, sont partis en fumée dans l'État du Roraima, à l'extrême nord du Brésil. Si la sécheresse est indiscutablement due à El Niño, la responsabilité de la catastrophe incombe entièrement aux colons – les brûlis sont pratiqués au mépris de la prudence la plus élémentaire sur des terrains récemment déboisés – et aux autorités, qui ont cru pouvoir faire l'économie d'une véritable réforme agraire en transplantant les populations misérables du Nordeste semi-aride vers une Amazonie mythique, transformée en Terre promise. Au bout du compte, à travers les affrontements meurtriers entre grands propriétaires et paysans sans terre, dans l'État voisin du Para, l'Amazonie apparaît comme un exutoire au problème de la question foncière au Brésil, où 2 % des propriétaires possèdent plus de la moitié des terres.

L'Amazonie brésilienne est depuis le début des années 70 le théâtre d'une colonisation anarchique qui répond à un impératif à la fois simple et terrible: forcer, par tous les moyens, le peuplement du nord du pays, jadis «désert vert», afin de l'intégrer au territoire national. Étrangement, les états-majors ont pris l'habitude de légitimer cette «stratégie» en parlant d'une prétendue menace d'internationalisation qui planerait sur la région. L'excuse prêterait à sourire si ses conséquences n'étaient pas aussi dramatiques. On a pu entendre le général Luis Edmundo de Carvalho, coordinateur des opérations de lutte contre les incendies, déclarer, au pire moment du sinistre, que «l'aide internationale était parfaitement inutile». C'est peu de rappeler que ces propos ont soulevé un véritable tollé dans la presse brésilienne, qui a parlé de «nationalisme rétrograde».

Pour sa part, le président Fernando Henrique Cardoso, que l'on sait être un sociologue de renom international, n'a évoqué l'Amazonie que pour exprimer son impuissance face aux saccages en cours. Depuis son élection en 1994, 47.000 km2 de forêt – une superficie supérieure à celle de la Suisse – ont été rayés de la carte. En dépit des activités illégales – comme l'exploitation de bois tropicaux dans des réserves indiennes théoriquement protégées –, dénoncées par toutes les organisations non gouvernementales, les compagnies forestières asiatiques se sont installées en masse – et continuent de le faire – en Amazonie, avec la bénédiction du pouvoir.

Dans les turbulences des crises asiatique et russe Après l'effondrement du baht thaïlandais, en juillet 1997, qui a entraîné dans sa chute la plupart des monnaies de la région, la déconfiture de l'économie russe a fait planer la menace d'une nouvelle attaque spéculative contre le real brésilien. Les investisseurs n'ont pas attendu la fin du mois d'août pour manifester leur méfiance à l'égard des pays émergents, ce qui s'est traduit pour le Brésil par la dépréciation brutale des titres de la dette extérieure ainsi que par la déprime persistante du marché des actions: en trois semaines, l'indice de la Bourse de São Paulo devait perdre près de 30 %.

De toute évidence, la crise russe aura montré la grande dépendance du plan real – mis en place en juillet 1994 pour lutter contre l'hyperinflation – à l'égard des capitaux étrangers.

Quelle est au juste la vulnérabilité de l'économie brésilienne? Pour les plus optimistes, le Brésil se porte mieux que les pays déjà acculés à la dévaluation. C'est la thèse centrale défendue par le Wall Street Journal. On peut cependant se demander s'il ne s'agit pas là d'un truisme aux vertus rassurantes. En revanche, pour les pessimistes, la plus grande prudence serait d'éviter d'investir au Brésil, «la prochaine Russie», selon le Financial Times. L'évolution alarmante du déficit public brésilien – 7,1 % du produit intérieur brut en rythme annuel – n'incite guère à voir le tableau sous un jour aimable. D'autant que les mesures fiscales et budgétaires lancées en novembre 1997, soit au plus fort de la crise asiatique, n'ont pas réussi à stopper la détérioration des finances publiques. Bien au contraire, puisque le doublement du taux d'intérêt de base de la banque centrale, porté à l'époque à 44 % avant d'être ramené à 19,75 %, n'a fait qu'alourdir le service de la dette publique tout en freinant la croissance, sans parler de l'incidence négative sur les rentrées fiscales. Quant à la politique du real fort, elle ne peut qu'avoir des effets négatifs, selon les plus pessimistes, sur la croissance: il est vrai que la récession était déjà visible au milieu de l'année dans certains secteurs où le chômage a fait un bond spectaculaire.

Les autorités brésiliennes, qui naturellement ont tout fait pour rassurer leurs concitoyens, n'ont toutefois pas manqué de prendre rapidement la mesure de la crise russe. Ainsi, le 24 août, le porte-parole de la banque centrale de Brasilia a annoncé la suspension, jusqu'à la fin de l'année, des restrictions décrétées six mois plus tôt pour décourager les placements en devises à très court terme sur le marché financier brésilien. Ces capitaux, jugés trop volatils, sont donc revenus en odeur de sainteté et la préservation des réserves de change a bien vite fait figure de priorité pour les autorités monétaires du pays, qui invoquent la nécessité de «rendre moins inconfortable la traversée de la période de turbulences», déclenchée par la crise russe.

© Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2002

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