Un meurtre de plus sur São Paulo, mais la victime n’est pas n’importe qui. Ubiratan Guimarães était certes un politicien local en campagne pour sa réélection de député de São Paulo, mais ce n’est pas comme homme politique qu’il laissera son nom. A la tête du bataillon de choc de la Police Militaire, il fut en effet responsable du plus grand massacre de détenus dans une prison brésilienne. C’était en 1992, au pénitencier de Carandiru, en pleine zona norte de São Paulo. Le massacre fut relaté dans le livre Carandiru de Drauzio Varella (Editions de l’Aube pour la France, Companhia das Letras pour le Brésil). Il a été tué dans son propre appartement dimanche 10 septembre 2006.
Le massacre avait largement défrayé la chronique en son temps. Aujourd’hui désaffecté, Carandiru était à l’époque le plus grand pénitencier d’Amérique Latine. Ce 2 octobre 1992 éclate une banale rixe entre deux détenus du Pavillon 9, celui des primo délinquants, très souvent des têtes brûlées. Sans logique apparente, la dispute s’envenime, le feu est mis aux matelas et la situation devient incontrôlable.
Totalement impuissante, l’administration de la prison fait appel au « bataillon de choc » de la Police Militaire. Celle-ci va investir le bâtiment et se livrer à un massacre systématique dans les cellules. Le journaliste de TV Globo, Caco Barcellos, qui visita le bâtiment plusieurs jours après le drame, rapporte : « Les murs [des cellules] montraient une ligne uniforme de trous caractéristiques de rafales de mitraillettes tirées sans l’ombre d’un doute à hauteur des zones vitales, tête et thorax des détenus ». Après le carnage viendra l’humiliation, les survivants étant rassemblés nus dans la cour de l’établissement. Puis, il faudra sortir les cadavres des cellules, la tâche en incombant bien sûr aux détenus eux-mêmes, toujours nus, pataugeant dans des mares de sang dans un établissement où l’épidémie de SIDA faisait rage. On dénombrera 111 morts, dont on ne peut affirmer avec certitude qu’ils ont tous été victimes de la répression policière, tant la confusion et la violence entre prisonniers étaient grands au début de l’émeute. Cependant, des sources officieuses font état de 250 victimes, si l’on ajoute aux décès dûment constatés les blessés hospitalisés qui n’ont jamais réapparu. Côté police militaire, les media font état de 25 blessés plus ou moins graves. Caco Barcellos, qui a mené de nombreuses investigations sur les abus de pouvoir et violences de la police, affirme que parmi les 341 membres du Bataillon de Choc qui ont mené l’opération figurent deux commandants notoirement connus comme faisant partie d’escadrons de la mort, avec chacun plus de 30 homicides à leur actif.
Responsable de cette opération, le colonel Ubiratan Guimarães assumait totalement son action, près de 15 ans après les faits. « En réalité, il n’y eut aucun massacre à Carandiru, ce sont les prisonniers qui ont attaqué et la police a réagi », peut-on lire sur le site web du galonné. Et cet autre aphorisme : « La police n’est pas intervenue à Carandiru pour tuer qui ce soit, elle a simplement accompli son devoir, qui est le maintien de l’ordre ». Ce personnage qui paraît sorti d’une autre époque, bardé de décorations et cavalier émérite (il a même fréquenté l’école de Saumur !), n’effectuera pas un jour derrière les barreaux malgré une action judiciaire sur ce massacre. Il faut dire qu’entre temps, notre homme est devenu un notable en se faisant élire député de l’Etat de São Paulo. En 2001, soit 9 ans après les faits, il sera condamné à 632 années de prison (pour la mort de 102 détenus, ce qui valorise l’homicide à un peu plus de 6 ans de prison). Mais qu’on se rassure, appel sera interjeté. Après 5 nouvelles années d’attente, Ubiratan sera finalement acquitté le 15 février 2006. « Une honte pour le Brésil », ont déploré plusieurs associations de droits de l’homme. « J’ai toujours dit que justice serait faite, a commenté Ubitaran à TV Globo après le verdict. Car nous avons toujours défendu le peuple. » Selon les premières investigations, sa mort ne serait aucunement liée à Carandiru mais à un banal crime passionnel