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L'actualité colombienne en 1994

Année présidentielle pour la Colombie, qui a élu son nouveau chef de l'État, le libéral Ernesto Samper. Celui-ci bénéficie de l'héritage positif de son prédécesseur, César Gaviria, et des revenus engendrés par la mise en exploitation des champs pétrolifères de Cusiania et de Cupiaga. Toutefois la bonne santé économique ne peut masquer la violence endémique, un héritage qui continue de pénaliser le développement politique et social du pays.
Le parti libéral se maintient au pouvoir En remportant le second tour de l'élection présidentielle avec 50,37 % des suffrages exprimés, Ernesto Samper a permis au parti libéral de conserver le pouvoir pour quatre nouvelles années. Le nouveau président succède à César Gaviria, qui a pris ses fondions du secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), où il a été élu un mars. E. Samper a fait la différence grâce au report des votes de petites formations politiques et de groupes comme les Évangélistes, les communautés noires et indiennes, et d'une partie du l'électorat du M-19, parti issu d'un ex-mouvement du guérilla. E. Samper a réussi à surmonter l'hostilité de la hiérarchie catholique, qui avait appelé les sympathisants libéraux à voter blanc pour protester contre un accord électoral conclu entre leur parti et des Églises protestantes. Cette consigne a finalement tourné à l'avantage du candidat libéral. En effet, la querelle religieuse a ravivé l'ardeur militante de la vieille garde du parti, jusqu'alors plutôt réticente au modernisme affiché par son candidat.
Economiste de formation, ancien ministre du Développement économique du président Gaviria, E. Samper a promis du poursuivre la politique du son prédécesseur, de mettre en pratique «le capitalisme à visage humain», tout un procédant à ce «grand bon social» qui devrait se traduire, selon lui, par la création de 1.500.000 emplois et le doublement des exportations. Des perspectives qui, à la lumière des méthodes envisagées, risquent de figurer au passif des promesses électorales. En effet, on voit mal comment le gouvernement pourrait créer autant d'emplois en continuant d'appliquer les recettes du néo-libéralisme initiées par C. Gaviria et en privatisant de nouveaux pans du secteur public. Quant aux investissements sociaux, E. Samper entend les financer avec les revenus pétroliers lors que le gigantesque gisement de Cusiania fera doubler l'actuelle production de brut (450.000 barils/jours) vers 1997.
L'ombre portée du cartel de la drogue Fort de ces perspectives, le chef de l'État peut envisager l'avenir avec sérénité. Toutefois, il devra prendre garde à ne pas céder à l'euphorie pernicieuse qui a valu de sérieux déboires à certains pays s'étant subitement trouvés devant pareille manne. Mais, contrairement à d'autres, la Colombie n'a pratiquement pas été à court de dollars et s'efforce plutôt d'éviter la surabondance de capitaux, attirés sur place par des taux d'intérêt élevés, de bonnes perspectives d'investissement ou de blanchiment. Bien que l'économie colombienne se porte globalement plutôt bien, les experts ont toutefois pointé du doigt quelques indicateurs qui devraient inciter E. Samper à modérer son optimisme. Ainsi, une rapide augmentation des importations a entraîné un début de déséquilibre des comptes extérieurs.
Quant à l'inflation, elle est restée notable, à près de 25 %. Reste que le narcoterrorisme - une plaie béante dans le tissu social colombien que la disparition du Pablo Escobar en 1993, pour spectaculaire qu'elle fut, est loin d'avoir refermée - continue de peser dans les comptes de la nation. Sur les 20 milliards de dollars que rapporte l'activité des cartels de la drogue, 6 milliards sont rapatriés en Colombie. Si les trafiquants en consacrent une partie pour s'acheter des indulgences et se ménager des complicités dans l'administration, ils en réinjectent également dans l'économie locale. Bien qu'il soit évidemment impossible d'en chiffrer précisément l'incidence, une étude officielle a révélé qu'en 1993 les petites entreprises familiales, ou comptant au maximum une dizaine de salariés, ont contribué pour 40 % au PIB. Celles-ci emploient environ 2,8 millions de personnes, contre 1,2 million pour les grandes compagnies. Si l'activité des cartels de la drogue a valu à la Colombie une triste réputation de leader en la matière, le terrorisme politique est également une «spécialité» locale à laquelle le président a promis de s'attaquer.
Dans cette perspective, E. Samper s'est effectivement engagé à renouer le dialogue avec les mouvements de lutte armée, alors que la guérilla, même si elle a perdu nombre de ses idéaux politiques et révolutionnaires, reste néanmoins un des principaux facteurs de la violence. Ainsi, les semaines précédant l'élection présidentielle ont été marquées par une recrudescence des attentats. Le 22 mai, un commando de la Coordination nationale de la guérilla, un mouvement marxiste, s'est attaqué à une patrouille de police à Medellín, causant la mort du cinq de ses membres. Enfin, le jour même du second tour de scrutin, et en dépit d'un déploiement impressionnant de policiers et de soldats, des combattants de l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste) ont réussi à se mettre en évidence en tuant trois représentants des forces de l'ordre. Néanmoins, au chapitre de la lutte contre le terrorisme, les représentants du gouvernement colombien auront réussi à frapper un grand coup en procédant à l'arrestation, le 22 juin, de Francisco Caraballo, le chef de l'Armée populaire de libération (EPL).
Si la guérilla est toujours un véritable cancer dans la vie politique colombienne, l'activité soutenue des cartels de la drogue a contribué à jeter un voile de suspicion sur l'élection du nouveau président, accusé d'avoir financé sa campagne avec l'argent de la cocaïne. Un soupçon qui n'est sans doute pas étranger au refroidissement des relations entre Washington et Bogotá.
Le 15 juillet, le Sénat américain a décidé de geler l'aide américaine, d'un montant de 37 millions de dollars, estimant que la Colombie ne coopérait pas totalement à la lutte contre le trafic de drogue entre les deux pays. Les autorités colombiennes ont ressenti comme un camouflet la visite ratée du général Oscar Vargas Silvia à Washington. En effet, le directeur de la police nationale colombienne n'a pas été reçu, comme prévu, par le chef de la Drug Enfoncement Agency, la principale agence américaine de lutte contre le trafic de drogue. Entré officiellement en fonction le 7 août, E. Samper est donc déjà placé sous la haute surveillance des États-Unis.

© Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2002

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